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Personnel: Du haut de mon Limoilou

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Je pense à un cours de philosophie, mon premier cours de philosophie. Mon tout premier cours au Collégial, on disait que c’était pour mieux comprendre la vie. On devait parler de nos aspirations, de nos motivations, de nos choix de vie. C’est avec élégance que plusieurs présentaient leur avenir si bien tracé, un avenir certain. Des parents parfois fortunés, des études payées, une entreprise léguée… Puis, cette personne qui était sensée nous apprendre la philosophie a finalement rétorqué «Vous avez de l’avenir, on est pas à Limoilou».
Je ne peux dire si c’était du dégoût ou de la rage que je ressentais envers cette idéologie qu’on aime promouvoir. Mon coeur était enflammé, mes yeux de braise le tuait du regard, mais ma bouche muette ne pouvait exprimer l’ampleur de ce qu’elle avait à dire. J’avais, devant moi, le meilleur exemple de l’imbécillité humaine. Comment pouvait-on affirmer de telles stupidités devant une classe? Comment autant d’étudiants pouvaient rire à des propos aussi peu réfléchis? Comment moi, venant de ce «monstrueux» endroit pouvais-je être assise dans la même salle de classe? Pouvais-je un jour espérer être autre chose que «la p’tite fille de Limoilou»?
Limoilou, j’y ai grandi. Un 5 et demi sur la 10e rue, 3e étage avec vue sur les arbres. Des escaliers en colimaçon, des trottoirs à barbouiller à l’infini, des chenilles sur les arbres qui mènent à ma galerie, le bonheur à l’état pur. Je suis née dans l’amour et j’ai évolué dans celui-ci. Des soirées à Cartier-Brébeuf dans les bras de garçons à qui je n’appartiendrais jamais. Le vent frais dans les cheveux, l’amour éphémère dans les yeux. Des après-midi dans la ruelle, à créer un monde impossible. À courir avec plaisir, pleine de vie. Des matins sur la galerie à faire des bulles savonneuses. On disait le quartier pauvre, les familles déchirées… L’amour était violence et la passion était rage. Pourtant, c’est là que j’ai construit mon Être. Dans une famille unie, des parents qui s’aiment, deux frères qui forgent mon caractère. Certes, mes parents ne gagnaient pas des millions, mais ils pouvaient se vanter de nous offrir tout leur amour, le mieux de leurs connaissances, le mieux de leur personne. Mais aujourd’hui, je me questionne, avais-je vraiment besoin d’avoir des millions pour avoir une merveilleuse enfance? Non, car j’ai eu une merveilleuse enfance. Je n’ai pas mangé dans des assiettes en or, j’ai plutôt appris à travailler pour en acheter. Je n’ai pas acheté les moments, je les ai vécus. Je n’ai pas obtenu facilement tous mes désirs, j’ai plutôt appris à persévérer. Je n’ai pas eu des parents qui partaient en voyage d’affaire toutes les semaines, j’ai plutôt appris ce qu’était les horaires de nuit et de jour en alternance. Je n’ai pas eu des études payées, j’ai plutôt appris la débrouillardise. Et oui, à Limoilou, on peut apprendre…
Je viens peut-être de Limoilou, mais j’ai une carrière fleurissante. Je viens peut-être de Limoilou, mais j’ai une relation amoureuse saine. Je viens peut-être de Limoilou, mais je fais un bon salaire. Je viens peut-être de Limoilou, mais je sais ce qu’est l’amour. Je viens peut-être de Limoilou, mais mes parents sont encore ensemble et s’aiment de tout coeur. Mais surtout, je viens peut-être de Limoilou et je sais ce qu’est un préjugé. Alors, pourquoi juger un quartier sans le connaître réellement… Limoilou, je t’aime et j’aime ce que tu m’as fait devenir…
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